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Ni Droite, Ni Gauche, Français...
29 août 2006

Le communautarisme homosexuel, nouvel horizon du socialisme ?

Inspirées par l’association Homosexualités et Socialisme, les principales motions en concurrence pour le Congrès du PS au Mans reprennent à leur compte les revendications du mouvement gay au risque de négliger des principes fondateurs du socialisme à la française.

A l’approche du Congrès du Mans, qui se tiendra du 18 au 20 novembre 2005, le parti socialiste se déchire. Depuis le référendum raté sur la Constitution européenne, la guerre des courants est repartie de plus belle, attisée par les rivalités entre présidentiables et l’enjeu que constitue le contrôle du parti. La construction européenne, l’ampleur de la régulation économique, les stratégies d’alliance électorale, autant de sujets qui divisent en profondeur les principaux courants du PS.

En revanche, il y au moins un sujet qui fait l’objet d’un large consensus au sein du parti, rassemblant les « camarades » malgré les querelles personnelles et les divergences doctrinales : l’homosexualité.

La parade nuptiale des éléphants

En effet, à l’exception de la Motion 3 du microscopique courant Utopia (qui représente environ 1% des militants socialistes), qui se concentre sur l’économie et ses conséquences sociales et ignore la question des revendications homosexuelles, tous les textes d’orientation rédigés en vue du Congrès du Mans convergent sur le thème de l’homosexualité.

Ainsi, il est aujourd’hui acquis que le “mariage gay” et l’adoption par des couples homosexuels figureront dans le programme socialiste pour l’élection présidentielle. Les nuances dans la formulation de ces propositions relèvent davantage de la forme que du fond.

Ainsi, à l’image de son principal promoteur, la Motion 1 « Réussir à Gauche » de François Hollande ne s’engage pas clairement sur l’objectif mais s’inscrit dans une logique évolutive qui ne laisse guère de doute quant à l’issue : “Pour tirer toutes les conséquences de notre refus des discriminations, le PACS sera amélioré en matière d’inscription à l’état-civil, de régime des biens, de droits de succession, de droit au logement, de droits sociaux et de droits des pacsés bi-nationaux, et le mariage sera ouvert aux couples de même sexe. Le droit à l’adoption doit s’adapter aux réalités nouvelles et notamment tenir compte de l’homoparentalité”. Une revendication passive, en quelque sorte. Cette timidité tient sans doute à la dimension présidentielle du courant majoritaire qui prend soin de ne pas froisser par avance un électorat modéré indispensable pour l’emporter au deuxième tour. On retrouve d’ailleurs ce souci dans l’autre écurie présidentielle du PS, celle de Laurent Fabius, dont la Motion 2 « Rassembler à Gauche » adhère elle aussi, mais sans grand enthousiasme, aux revendications à la mode du mouvement gay : “Le couple et la parentalité homosexuels sont des réalités, déjà reconnues par la loi dans nombre de pays européens. Dans notre Parti comme dans la société, nous savons bien que les réponses à apporter ne vont pas de soi, mais une chose est certaine : après avoir créé le PACS, nous, socialistes, devrons porter de nouvelles évolutions allant dans le sens de l’égalité des droits”.

On ne trouve pas ces préventions dans les motions qui jouent la société et l’air du temps pour se faire une place dans le duel qui oppose les vieux éléphants du parti. Ainsi, la Motion 4 « Pour un Socialisme Libéral » du blairiste à la française Jean-Marie Bockel est plus directe : “Nous proposons l’extension des droits et garanties du PACS et l’amélioration des possibilités à l’adoption pour les personnes LGBT”. Mais c’est incontestablement la Motion 5 « Pour une alternative socialiste » du Nouveau Parti Socialiste d’Arnaud Montebourg, soutenue aussi par Henri Emmanuelli, qui va le plus loin dans la reprise des revendications du militantisme homosexuel dans le long chapitre qu’elle consacre à ses questions. Le “mariage homosexuel” est ainsi présenté comme une réforme urgente : “Au nom de l’égalité, du principe de réalité au regard de la situation de nombreux couples, et en prenant exemple sur ce qui s’est passé en Espagne, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe s’impose aujourd’hui comme une réforme que le Parti socialiste devra porter s’il revient au pouvoir”. Sur l’adoption, la Motion 5 ne prend pas non plus de gants : “L’adoption doit être ouverte à tous les couples, qu’ils soient d’ailleurs mariés, en concubinages ou pacsés”. La Motion 5 est sans doute la plus maximaliste dans sa politique de main tendue vers les associations homosexuelles puisqu’elle reformule aussi leur exigence d’intervenir dans les salles de classe au nom de la lutte contre l’homophobie : “La prévention à l’école de l’homophobie est au point mort. L’homosexualité est toujours quasi-absente dans les manuels scolaires. Il faut lutter contre l’homophobie dès l’école primaire, afin d’éviter que des élèves, préadolescents et adolescents subissent insultes, moqueries et mises à l’écart de l’ensemble de leurs camarades pour leur orientation sexuelle réelle ou présumée. (…)

Il faut que dans chaque établissement scolaire, le règlement intérieur stipule que toutes formes de discriminations y compris l’homophobie soient punies par la loi ! La lutte contre les discriminations doit être inscrite dans les programmes dès le début de la scolarité, avec une formation obligatoire des enseignants, et l’intervention des associations doit se faire durant le temps scolaire”. La Motion 5 s’avance même sur le terrain glissant de l’analyse critique des relations familiales au risque de dériver vers la politisation des relations familiales : “La famille doit être invitée à participer, elle aussi, à faire tomber les murs des préjugés et à contribuer à l’édification d’une société ouverte compréhensive et respectueuse des différences. Tous les parents ne sont pas nécessairement homophobes. Mais les craintes de voir leur enfant être victime de discrimination, stigmatisé à cause d’une orientation homosexuelle sont quant à elles, bien réelles. Le regard que les autres portent soit à l’école ou au travail fait craindre le pire pour plusieurs parents. Pour d’autres, ils doivent faire le deuil de leur conception du couple homme/femme et des enfants à naître de cette union. Le mal être des jeunes homosexuels vient avant tout de la peur du rejet de la société mais aussi avant tout du rejet de sa propre famille”.

Il apparaît ainsi que les principales motions en concurrence en vue du Congrès du Mans se sont nourries de la contribution présentée en amont de la rédaction des textes de chaque courant par l’association Homosexualités et Socialisme, qui est liée au parti socialiste. Intitulé « L’égalité des droits, pour changer la France », ce texte a été signé par des représentants de toutes les motions (entre autres : Bertrand Delanoë, Jack Lang, Dominique Strauss-Kahn pour la Motion 1, Claude Bartolone et Jean-Pierre Michel pour la Motion 2, Benoît Hamon pour la motion 5). Ce texte, assez faible sur le plan doctrinal, exhorte les “élu-e-s socialistes” à “répondre aux attentes des personnes LGBT”, concept abscons désignant les “minorités sexuelles” (et que l’on retrouve dans la Motion 4 de Jean-Marie Bockel). Pour cela, il leur faudrait “compléter les dispositifs de lutte contre les discriminations” (au moyen notamment “d’un travail quotidien dans les établissements scolaires” »), “améliorer le PACS”, “Ouvrir le mariage, prendre en compte les nouvelles formes de parentalité”…

Le progrès à reculons

Ce qui frappe dans ces textes, c’est davantage ce qu’ils omettent que ce qu’ils assènent. Aucun ne relie par exemple la question du “mariage gay” au thème de la réflexion sur les institutions, préférant s’en tenir à la simple reprise d’un slogan en vogue au sein du mouvement homosexuel.

Sans même les discuter, les motions socialistes écartent ainsi délibérément les objections au mariage homosexuel formulées en mai 2004 par Lionel Jospin : “J’entends parler de désirs, de refus des discriminations, de droit à l’enfant -alors qu’on devrait mettre en avant le droit de l’enfant- et d’égalité des droits, comme si le principe de l’égalité des droits devait effacer toute différence. Mais j’ai peu entendu parler d’institutions. Or, c’est essentiel. (…) Les institutions ont été créées pour fonder et étayer les sociétés. On peut les défendre, on peut les contester -c’est aussi une façon de se structurer-, on peut les réformer. Je ne crois pas qu’il soit pertinent d’en dénier le sens. (…) On peut respecter la préférence amoureuse de chacun sans automatiquement institutionnaliser les mœurs”. Des propos qui ouvraient la voie à une prise en compte progressiste de la thématique de l’homosexualité écartant à la fois les tenants d’un ordre moral et ceux d’un militantisme sexuel. Une voie qui auraient pu inspirer par exemple quelqu’un comme Arnaud Montebourg qui a placé la réflexion sur les institutions au cœur de sa démarche politique en fixant à son courant l’horizon d’une VIème République.

On remarque aussi que si les motions socialistes rejettent toute l’hydre du communautarisme qui a pour elles les traits de Nicolas Sarkozy (la Motion 2 parle de “libéral-communautarisme”, toutes rejettent la discrimination positive ou les catégories statistiques fondées sur des critères autres que la nationalité), elles ne s’embarrassent pas de scrupules pour définir les homosexuels comme une catégorie à part et reprendre à leur compte les revendications du communautarisme gay : mariage, adoption, action militante en milieu scolaire (pour la Motion 5). Certes, ces propositions sont faites au nom de “l’égalité des droits” mais aucune des motions ne s’interroge sur la mutation de ce principe qui n’est plus l’égalité entre les individus -déjà garantie par la Constitution- mais l’égalité entre des catégories, des “communautés”. Aucune motion ne semble s’inquiéter de cette réapparition des corps intermédiaires que la Révolution avait heureusement supprimés afin que rien ne vienne faire écran entre l’Etat et les individu afin de garantir leur égalité devant la loi. De même, on s’amusera de constater que la plupart des motions appellent à suivre l’exemple de l’Espagne, les Pays-Bas et la Belgique qui ont légalisé le mariage entre personnes de même sexe, voire l’adoption par des couples homosexuels. Aveuglé par son désir de complaire au mouvement gay français, le parti socialiste pose en modèle trois monarchies où il existe encore une religion d’Etat, une noblesse héréditaire, une liste civile pour financer le bon plaisir du Prince… On est loin d’un PS qui se posait comme l’héritier de la Convention et entendait, avec Jaurès notamment, poursuivre et étendre l’œuvre émancipatrice de la Révolution française.

On s’attend depuis longtemps à ce que le parti socialiste se transforme en parti social-démocrate. Il semble plutôt en bonne voie de devenir un parti sociétaliste.

Dimanche 30 Octobre 2005

Source : www.communautarisme.net

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